J'aime ces automnes secs où, dans l'air ouatté, le lac jette vers les collines de fulgurantes traînées de cuivre. (Je n'avais pas mon Nikon, scuse me…)
Il y a quelque chose de fascinant et d'inquiétant à la fois d'assister à cette valse-hésitation entre révolution de velours et guerre civile en Ukraine. Et pendant ce temps, Pout-In se complaît dans son rôle de Brejnev du XXIe siècle. Manquerait plus qu'il lance ses chars sur Kiev…
Ils sont déjà des centaines à nous dire en image combien ils sont désolés à ne pas avoir pu «le» faire éjecter de la Maison Blanche. Allez donc leur rendre visite sur Sorry Everybody et sa magnifique galerie de portraits !
Dernière tonte avant la neige… Pas mécontent je suis. Le soleil étant radieux, malgré une température pré-sibérienne, je bondis sur la tondeuse pour procéder à une ultime coupe de l'herbette et en même temps hacher menu menu les feuilles mortes qui tapissaient le jardin. La neige peut venir, si elle veut, paraît que c'est pour vendredi. Je suis tranquille. Mais j'ai le sentiment que ça n'intéresse personne.
Je viens d'entreprendre la lecture de «La bête qui meurt» de Philip Roth. Le déclin qu'on sent poindre derrière Eros, avec Thanatos en point de mire… Je ne sais pas si c'est une bonne idée. J'aurais peut-être mieux fait de poursuivre celle des «Textes de scène» d'Alex Métayer…
Une lapalissade: les mots font dire ce qu'on veut aux images
Récemment, j'ai eu l'occasion de voir on ze tivi l'excellent documentaire d'Yves Boisset intitulé USA: le blues des médias, et montrant l'allégeance au pouvoir que les médias américains s'étaient peu à peu mis à manifester ces dernières années. Il est bien loin le temps où les images rapportées du Vietnam poussèrent le président Johnson à ne pas se représenter pour un second mandat, et où, suite au Watergate, l'enquête menée par deux journalistes de la presse écrite entraîna la chute de Nixon, en 1974.
Et m'est tout à coup revenu en mémoire une toute vieille série que j'avais enregistrée il y a une quinzaine d'années, intitulée Propaganda: l'image et son pouvoir, et surtout un passage qui m'avait alors fait forte impression. Il s'agissait d'un extrait du film de Chris Marker, Lettre de Sibérie (1958), au cours duquel une même séquence était diffusée à trois reprises, avec chaque fois un commentaire et un accompagnement musical différents.
Vous le narre-je ? Oui, oh oui… Bon d'accord.
D'abord la situation et la description de l'extrait: La scène se passe à Iakoutsk, capitale de la Iakoutie, en Sibérie orientale, au milieu des années 1950. De gauche à droite de l'écran, un bus rouge et blanc longe une large avenue, et croise une grosse voiture noire. Sur le côté de la chaussée, des ouvriers accroupis nivellent du sable sur une zone de terrain probablement destinée à recevoir un trottoir ou une voie de tramway, tandis qu'un passant déambule, de droite à gauche de l'écran, le long du chantier, tout en regardant la caméra qui le filme.
Premier commentaire, accompagné d'une musique enjouée:
«Iakoutsk, capitale de la république socialiste soviétique de Iakoutie, est une ville moderne, où les confortables autobus mis à la disposition de la population croisent sans cesse les puissantes Zil, triomphe de l'automobile soviétique. Dans la joyeuse émulation du travail socialiste, les heureux ouvriers soviétiques parmi lesquels nous voyons passer un pittoresque représentant des contrées boréales, s'appliquent à faire de la Iakoutie un pays où il fait bon vivre.»
Deuxième commentaire, accompagné d'une musique grave et dramatique:
«Iakoutsk a la sinistre réputation d'être une ville sombre où, tandis que la population s'entasse péniblement dans des autobus rouge sang, les puissants du régime affichent insolemment le luxe de leur Zil, d'ailleurs coûteuse et inconfortable. Dans la posture des esclaves, les malheureux ouvriers soviétiques, parmi lesquels nous voyons passer un inquiétant asiate, s'appliquent à un travail bien symbolique: le nivellement par le bas.»
Troisième commentaire, sans musique de fond, mais avec les bruits de la ville:
«A Iakoutsk, où les maisons modernes gagnent petit à petit sur les vieux quartiers sombres, un autobus moins bondé que ceux de Paris aux heures d'affluence, croise une Zil, excellente voiture que sa rareté fait réserver aux services publics. Avec courage et ténacité, et dans des conditions très dures, les ouvriers soviétiques, parmi lesquels nous voyons passer un Iakoute affligé de strabisme, s'appliquent à embellir leur ville qui en a besoin.»
Voilà. Je crois me souvenir que le texte de ces commentaires était de Boris Vian, mais je n'en ai pas retrouvé confirmation.