8 décembre 1980, vingt-cinq ans, comme c'est loin. Et comme je me souviens de cette immense tristesse, brutale… Sans savoir, sur l'instant, que cette tragique disparition serait un des derniers croche-pieds à ma jeunesse…
Outre le poids du monde posé sur leurs épaules, il y avait ce cadavre qu'elles trimbalaient au fond d'elles, depuis le premier jour. Celui du rêve dont la dépouille avait été mise au tombeau pour l'éternité. Il y avait bien assez d'hommes pour avoir des lubies. La noblesse des femmes, ce n'était pas la pureté, ce n'était pas la soumission, ce n'était pas la faculté de se relever de tout. La noblesse des femmes, c'était d'avoir immolé la chimère. C'était ce qui faisait d'elles de grandes royales. Parce qu'elles avaient fait cela, le monde pouvait continuer de tourner. En dépit des hommes. Et ils ne les remerciaient pas. Ne choisit-on pas toujours son malheur ? Elles avaient fait leur choix.
(Léonora Miano, L'intérieur de la nuit, Plon 2005)
Tu as six ans, tu es sur le chemin de l'école, tu vas retrouver tes copains, tu es sûrement content, ça sent la fin de l'année, le sapin, tu as peut-être écrit ta lettre au Père Noël, tout ça. Et tu ne sais pas que d'ici quelques secondes, tu vas mourir sous les crocs de trois pitbulls. Ça s'est passé hier, près de Zurich. Et j'ai envie de vomir.