Ce week-end dernier, le peuple suisse se prononçait sur l'extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l'UE. Au vu des arguments avancés par les opposants ces dernières semaines, j'ai eu quelques inquiétudes… rapidement évacuées hier au fur à mesure de l'arrivée des résultats. Assez fier également (une fois n'est pas coutume…) d'appartenir au canton qui accepte le référendum avec le pourcentage le plus élevé !
Et si je vous disais que je ne vais pas vous dire grand-chose pendant quelques jours ? Que j'ai besoin de "lever le pied" ? Besoin de me "rassembler" un peu ? Et de profiter, aujourd'hui, ce soir (et pourquoi pas cette nuit…) de mes 21 ans de mariage ?…
Tout a commencé au printemps: après quelques 20 ans de bons et loyaux services, mon lecteur CD, qui montrait depuis quelques temps déjà de menus signes de fatigue, a brusquement rendu l'âme, sur un quatuor de Schubert. Qu'à cela ne tienne, c'était le moment de changer me disé-je. Mais de nos jours, vous passez plutôt pour un hurluberlu à la Fnac quand vous demandez un simple lecteur CD… Alors vous vous tournez vers le commerce spécialisé, et vous profitez de commander le super lecteur milieu de gamme au meilleur rapport qualité/prix que vous avez vu dans une revue, mais que malheureusement vous allez devoir attendre deux mois puisqu'il va devoir transiter par la Chine, les Iles Féroé et Madagascar.
Quand enfin ce lecteur eut trouvé sa place parmi les autres éléments de la chaîne hi-fi, je pensai pouvoir couler des jours parfaitement heureux lorsque ce fut au tour de son voisin l'amplificateur de se mettre à toussoter dans l'un des canaux, rendant l'audition de toute musique autre que techno parfaitement impossible. Immédiatement suivi par la machine à café qui le lendemain matin refusa obstinément de se mettre en marche. Ne voulant pas être en reste, trois jours plus tard, le lave-vaisselle qui lui aussi peinait à masquer son grand âge décida de faire grève, négligeant d'évacuer l'eau de lavage croupissant en son sein.
Enfin hier, cerise sur le gâteau, j'entends mon fidèle Nikon Coolpix 5000 émettre à l'allumage un bruit fort inquiétant tandis qu'il affiche narquoisement sur son écran: «Erreur de système» ! Et il n'est pas impossible que ce matin, "descendant" en catastrophe l'apporter au service après-vente de la Fnac à Lausanne, je me sois fait "flasher" à un feu rouge… Voilà une réparation qui risque de me coûter cher…
Que va-t-il bien pouvoir m'arriver encore, dans les heures qui viennent ? (J'aurais envie de remplacer mon "vieux" téléphone mobile, mais lui, il résiste vaillamment, pour le moment…) Je suis un tout petit peu énervé, là, vous voyez ? Et me demande si, finalement, on ne serait pas trop esclave de l'électronique ambiante…
Avec le temps, l'oubli qui vient, qui s'insinue, n'est pas forcément un malheur, car il fait peut-être place pour autre chose, inconnue, espérée ou surprenante.
Il y a bien des années que j'en avais connaissance. J'avais entendu quelques interviews, lu quelques articles, assisté devant le petit écran à la remise de son Grand Prix du Festival de Cannes en 1995 pour Le regard d'Ulysse et à celle de sa Palme d'or en 1998 pour L'éternité et un jour. J'avais loupé le premier, je m'étais promis-juré que j'irais voir le second à sa sortie, et puis vous voyez ce que c'est, le temps passe, et puis faut être vigilent et prompt à la détente car c'est pas le genre de cinéma qui multiplie les semaines de projection en salle, sous nos latitudes en tous cas, et puis ça sert à rien de compter sur la Télé, c'est pas vraiment leur tasse de thé, ou alors Arte un jour où ils sont particulièrement en verve… Bref, je laisse passer l'orage sans entrer dans le nuage, et je ne puis que me résoudre à attendre le suivant.
Le suivant est arrivé l'été dernier (2004 donc). Un passage radio, moi en haleine à l'écoute du propos, la moelle épinière qui fait le huit à l'écoute de quelques extraits de la musique du film, et c'est ainsi que je pus assister, médusé, à la projection de Eleni, la terre qui pleure, premier volet d'une trilogie avec pour thème l'histoire du XXe siècle, où Angelopoulos revisite l'histoire de son pays et de ses exilés. Oui, c'est ça, médusé, un genou en terre…
Alors bien sûr, quand fin juillet, juste avant de partir en vacances, je me suis aperçu que la Cinémathèque suisse à Lausanne avait commencé une rétrospective depuis pratiquement quatre semaines (!), j'ai failli défaillir (sic). Une fois de plus je me retrouvais sur le carreau. Et me contentai donc, dès mon retour, de la projection de ses derniers films: Le pas suspendu de la cigogne (1991), Le regard d'Ulysse (1995, un chef-d'œuvre !…), L'éternité et un jour (1998) et Eleni (2004).
Le cinéma d'Angelopoulos, c'est une danse, lente et triste, qui plongerait ses racines dans la déchirure des Balkans, c'est le temps, immobile, nous regardant le traverser douloureusement, c'est une âme clapotant indéfiniment comme l'eau contre une barque. Dire qu'il faut rentrer dans le siècle, après ça…
Entendu il y a peu à la radio: le Bengladesh va offrir 1'000'000 $ aux Etats-Unis comme aide suite aux ravages tragiques de 'Katerina'. Quand on sait que la moitié de ses 140 millions d'habitants vit avec moins de 1 $ par jour, et qu'ils ont très souvent les pieds dans l'eau eux aussi… En revanche, on ne sait pas encore si c'est le Niger qui va héliporter des réserves de nourriture aux habitants affamés de la Nouvelle-Orléans.
Magnifique reportage de Temps présent ce soir sur la TV romande: «Trois mois pour oublier Beslan». A l'initiative d'un professeur de Nyon, ému par la tragédie de Beslan, des familles ont accueilli pendant trois mois de jeunes enfants ossètes rescapés de cette sanglante tragédie.
Un document bouleversant où les larmes deviennent peu à peu des larmes de petit bonheur dans des yeux où se cache encore l'horreur, où les sourires renaissent tranquillement, tout en redécouvrant la confiance. L'être humain n'est jamais aussi humain que lorsqu'il se laisse aller (et j'emploie ce terme d'"abandon" à dessein) à la solidarité et la fraternité.
Que ceux qui peuvent voir la reprise de ce reportage sur TV5 (d'ici quelques semaines ?) ne s'en privent pas…