Le même sentiment d'inappartenance, de jeu inutile, où que j'aille: je feins de m'intéresser à ce qui ne m'importe guère, je me trémousse par automatisme ou par charité, sans jamais être dans le coup, sans jamais être quelque part. Ce qui m'attire est ailleurs, et cet ailleurs je ne sais ce qu'il est. (Cioran, De l'inconvénient d'être né, 1973)
Avant, je veux dire il y a très longtemps, la jet set, déjà ça s'appelait pas encore comme ça. Ça s'appelait cour, noblesse, Versailles, des trucs du genre. C'était des gens biens nés – ça veut dire nés de l'autre côté de la barrière, Huguette-Simone…–, des gens qui possédaient pratiquement tout, en en foutant carrément le moins possible. Ils faisaient leurs petites affaires entre eux, ils intriguaient, ils médisaient, ils se détestaient en se souriant ou se souriaient en se détestant, tout ça dans leur grand monde à eux, loin de la masse laborieuse et crevottante. Contrecoup de cette situation, comme on était assez tranquille sur le plan médias et communication à cette époque-là, la masse en question n'était pas constamment harcelée du saut du lit au coucher par les caprices de ces "stars" que, même si ça s'appelait pas encore comme ça, elle connaissait d'ailleurs pas et faut dire qu'elle avait autre chose à faire. Tu suis toujours, Huguette-Simone ?
Bon, maintenant sautons quelques décennies pour voir comment tout ça a évolué. Accroche-toi, Huguette-Simone. Après des siècles où on se demande comment le bon peuple a pu faire pour se distraire, arrive le cinéma. Et avec lui, peu après, la star, sorte de héros désincarné dans un panthéon qui s'auto-alimente, sur une Olympe où nul n'a accès mais qui déverse son image sur une plèbe avide d'une nouvelle mythologie. En gros c'est: je vous donne (ou vends, c'est selon) du plaisir, je vous donne le droit de me voir et de m'admirer, donc aimez moi, mais surtout ne m'incommodez pas. Ça va, Huguette-Simone, c'est pas trop compliqué ?
Bon. Mais peu à peu tout va se compliquer, parce que de la star va naître la vedette tous azimuts. Banalisation qu'on va pas détailler ici, on va pas y passer la nuit, mais qui fait que maintenant il suffit de présenter la météo pour avoir le droit de se faire caresser la cuisse par un quelconque rockeur de service dans les arrières soirées cannoises. Je connais même quelque histrion présentateur d'inepties télévisuelles qui n'aurait pu que vendre quelques encyclopédies en porte-à-porte s'il n'était issu d'un nid de stars, à l'élégance fort disparate d'ailleurs.
Tu vois, Huguette-Simone, d'ici quelques années, il y aura tellement de stars que le "must" sera d'être un parfait anonyme. Ne désespère pas. Comment ? T'es sélectionnée aux Balais d'or de la Technique de surface ?…
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Une des dernières veillées rassemblant les gloires qui illuminent à la fois nos écrans francophones et nos vies loqueteuses avait lieu samedi dernier. Images d'une déliquescence annoncée. On y a vu un père bourré comme un âne, s'érigeant en Cerbère du cinéma français, venir (comment a-t-il pu arriver jusque là ?) bredouiller quelques humides borborygmes à l'oreille de sa fille décrochant sa première statuette. On y a vu aussi une foule debout, acclamant les élans d'un discours militant, décidée à se dérider les muscles avant d'aller se mouiller de champagne au Fouquet's. Finalement, les seuls à être vraiment sincères étaient ceux du premier rang, demeurés assis, sans broncher, et maugréant le désaccord que leur regard ne savait occulter…
Il jette ses deux jumeaux de 18 mois par la fenêtre du deuxième étage. Dix mètres de chute. Il expliquera qu'il était énervé (sic). Par miracle, les deux mômes s'en sortent (physiquement du moins): juste un tibia cassé pour l'un des deux.
Rien ne nous dit s'il se serait énervé pareil en habitant au cinquième…
C'est une nation qui n'est pas plus grande que l'île de Manhattan. Et ses 11'000 habitants seront les premiers réfugiés "écologiques" de la planète. C'est pas pour rien qu'ils ont été les premiers à signer le protocole de Kyoto. De quoi et de qui on parle, là ? De Tuvalu, petit archipel constitué de 9 atolls, situé à un millier de km au nord des îles Fiji. Point culminant: 4,50 m. Altitude moyenne: 1,50 m.
Après avoir déjà tiré la sonnette d'alarme à quelques reprises, son premier ministre a vivement alerté l'ONU dans un discours prononcé en septembre 2003. Et la communauté internationale est "tout soudain" face à un problème qu'elle est bien en peine de résoudre, puisque le statut de réfugié du climat n'existe simplement pas. En tous les cas, pas encore. Suite à une demande de leur gouvernement, l'Australie a refusé de les recevoir. Quant à la Nouvelle-Zélande, elle accepte, mais au titre d'immigrés, et au compte-goutte: une cinquantaine par an, tirés au sort !
Ça vous intéresse ? Allez voir là, ou là… Ou bien débrouillez-vous avec ça…
Bon, tout ça, c'est bien joli, mais de quoi ils se plaignent, les habitants de Tuvalu ? Pour le moment, c'est pas du pétrole que les vagues leur amènent sur les pieds, c'est que de la flotte !
Ainsi donc, MediaTIC nous informe qu'aujourd'hui 20 février s'ouvre officiellement le premier blog d'un "homme politique français majeur", DSK.
Qu'en penser ?
Du bien dans la mesure où le fait de pouvoir l'"entendre", lui "parler", bref, dialoguer avec quelqu'un comme lui de façon aussi simple et directe est une situation vraiment nouvelle.
Du mal dans la mesure où l'on peut craindre une récupération "politiquement correcte" d'un phénomène qui avait encore su garder à ce jour le petit côté underground qui m'avait fait y adhérer…
Bref, on verra.
(D'ici à ce qu'en Suisse un Pascal Couchepin ait le sien, et accepte sans broncher qu'on l'y traite de couillon au besoin…)
J'avais déjà eu l'occasion de vous parler d'un livre étonnant: Rapport aux bêtes, premier roman de Noëlle Revaz, jeune auteur valaisanne qui a eu l'honneur de la nrf chez Gallimard.
J'ai eu le plaisir, hier au soir, d'assister à l'adaptation théâtrale de ce texte. J'avais au départ quelques craintes, qui auront vite été dissipées. Philippe Mathey est magnifique de rudesse et de sobriété dans ce combat entre bêtise et humanité.
Pour faire simple, on peut dire qu'il y a deux catégories de films: d'une part les conneries, que l'on peut diviser en deux sous-groupes qu'on appellera les conneries sympa et les conneries vraiment connes, d'autre part les films qui refilent le bourdon.
Je suis allé voir un film qui refile le bourdon: In America.
… tiens, il y a longtemps que je ne l'avais pas fait, celui-là… Donc, aujourd'hui, 10 h. 10: à Berne, Bibliothèque nationale, plongé dans la correspondance entre Gustave Roud et Vio Martin. En vue d'une exposition d'abord, peut-être d'un spectacle ensuite…
Comme BlogOut nous laissait tomber avec son système de commentaires, il a bien fallu passer un bout de soirée à en installer un autre. Je me retrouve chez HaloScan, un peu par hasard. Bon, ça a l'air de marcher, je peaufinerai plus tard…